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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

cendre leurs cheveux blanchis, et de leurs faibles mains meurtrir leurs seins livides. Courez, fuseaux, courez en tissant vos trames.

Comme le moissonneur, abattant de sa faux les épis serrés sous un ardent soleil, dépouille les blondes campagnes, il abattra de son glaive ennemi les corps des Troyens. Courez, fuseaux, courez en tissant vos trames.

À ses grands exploits rendra témoignage l’onde du Scamandre, qui va se verser dans l’Hellespont rapide, par une route rétrécie sous l’amas des cadavres dont le sang par sa main échauffera le lit du fleuve. Courez, fuseaux, courez en tissant vos trames[1]. »

Avec la majesté de l’hexamètre latin, on sent ici le souffle de la muse grecque, et aussi comme un reste de la barbarie première dans l’image de Polyxène immolée sur le tombeau d’Achille. Mais le génie de Catulle et le caractère de son siècle se marquent surtout dans l’épilogue du poëme. À la tradition poétique, à l’imitation des écoles d’Athènes et d’Alexandrie, succède la douleur d’un citoyen sur les maux et les vices de Rome. C’est presque le langage de Lucrèce, de l’ami de Memmius, retrouvant les fables et les monstres de l’enfer dans les crimes et les souffrances dont était affligée la terre.

  1. Catull. Epithal. Pelei et Thet.