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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

du temple, après avoir prié les dieux du foyer et frotté d’huile leurs images, les laboureurs romains chantaient en dansant, répétant trois fois chaque verset :

« Ô Dieux lares, soyez-nous en aide ! Ne laisse pas, ô Mars ! la contagion frapper sur la foule ; sois rassasié, ô Mars ![1] touche du pied le seuil et cesse de frapper. Dieux, qui êtes entre le ciel et la terre, venez tous. Et toi, Mars, sois-nous en aide ! Triomphe ! triomphe ! »

Les deux passions de la vie romaine, le labourage et la guerre, s’exprimaient dans cette rude antienne ; et, soit qu’elle nous arrive dans un texte déjà rajeuni, soit que plusieurs mots de ce texte demeurent inexpliqués pour nous, soit toute autre hypothèse, l’accent général cependant n’est pas douteux ; et cette voix nous rappelle bien la dureté laborieuse et le courage de l’ancienne Rome.

Plus célèbres que l’hymne des Arvales, mais encore plus détruits pour nous, les chants des prêtres saliens devaient avoir cette même âpreté des fêtes du Latium. La rudesse des tons y répondait sans doute à l’austérité du culte ; et c’est la remarque curieuse d’un ancien annaliste romain, que, dans ces chants religieux, Vénus n’était nommée nulle part. Varron, à l’appui de ce témoignage, ajoutait que, chez les Romains du temps des rois, cette déesse n’était connue, ni sous le nom

  1. Gli Atti e monumenti dei fratelli Arvali. Rome. 1795.