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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

sent pas à la méditation rêveuse du poëte, encore occupé des souvenirs de la philosophie grecque, devant les menaces des prophètes hébreux. Plus tard, ce problème reviendra et s’éclaircira dans la pensée humaine, qui, sans faire Dieu l’auteur du mal, comprendra qu’il a dû le permettre sous ses deux formes extrêmes, la douleur et le vice ; car, sans cette double épreuve, les deux lois et les deux grandeurs de l’homme, le travail et la vertu, n’auraient plus où se prendre ici-bas.

Mais n’épuisons pas ici le faux lyrisme de ces hymnes orphiques : il n’y a là qu’une curiosité pour l’histoire des opinions plutôt que pour celle de l’art. Le vrai phénomène d’alors, c’était, dans une cour semi-asiatique et près d’un musée d’érudits, le naturel et la passion rendus à la poésie.

Théocrite prouva ce qu’attestent d’autres exemples. Ces lois de décadence graduelle qui, dans les langues, assignent à certaines époques certains caractères d’élégance travaillée, de politesse subtile ou pompeuse, ne sont pas inflexibles. Un tour de génie particulier, quelques accidents heureux d’imitation, quelques mouvements nouveaux de l’âme, peuvent toujours y échapper.

Dans l’arrière-saison de la poésie grecque, contemporain de Callimaque et de Lycophron, venu de la monarchie modérée de Syracuse dans cette cour d’Alexandrie tout infectée des intrigues et des crimes de la succession d’Alexandre, Théocrite a retracé, sous cette impure atmosphère, les plus naïves images