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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

où le poëte la suppose prisonnière, avant le départ de Pâris, dont elle contemple dans l’avenir l’adultère, la fuite et la punition.

Mais cette vue de l’Iliade, que plus tard Horace concentrait, comme sous le miroir brûlant d’Archimède, au foyer de quelques strophes, l’artiste érudit du Muséum l’a obscurcie de quinze cents hexamètres, où sont prodiguées, avec toutes les raretés de la mythologie, les plus difficiles curiosités du langage. La rencontre la plus frappante, c’est d’y voir, au moment où décline le génie grec, croître et s’élever les Romains que, d’après d’anciens oracles déjà répandus dans la Grèce italique, le poëte nomme les maîtres futurs du monde et les vengeurs de Troie.

N’est-ce pas une autre singularité, que, deux siècles après, quand la prédiction du poëte était en effet accomplie, Horace, qui, n’aimant avec passion qu’Homère, Sophocle, Platon et toute leur famille, n’ignorait cependant aucun de ces poëtes alexandrins imités par Catulle et Virgile, ait construit une belle ode sur cette origine troyenne de Rome et ce devoir de venger Troie, sans la relever cependant ? L’empire des Césars transféré sur la côte d’Asie, c’eût été, quatre siècles plus tôt, la révolution que fit Constantin. Que si maintenant on relit, au sombre crépuscule du poëte d’Alexandrie, cette prophétie de la grandeur romaine, à côté des chants de l’Iliade, des strophes guerrières d’Eschyle, du chœur héroïque d’Aristophane dans les Guêpes,