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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

travers tant de ruines, ont conservé son hymne à la Vertu, souvenir de reconnaissance à la mémoire de son ami, l’eunuque Hermias, gouverneur d’une ville d’Asie.

« Vertu[1], laborieuse épreuve de la race humaine, toi, la plus noble poursuite de la vie ! pour ta beauté, ô vierge, c’est un sort envié dans la Grèce et de mourir et d’affronter d’insurmontables travaux. Si grande est la douceur que tu jettes dans l’âme, immortelle récompense plus précieuse que l’or, que la noblesse du sang et que le charme du sommeil ! Pour toi, le fils de Jupiter, Hercule, et les fils de Léda ont grandement souffert, et témoigné de ta puissance par leurs œuvres. Pour l’amour de toi, Achille et Ajax ont abordé les infernales demeures. Pour ta beauté qui lui était chère, le nourrisson d’Atarné a quitté la lumière du jour : aussi sera-t-il à jamais célébré ; et les Muses, filles de Mnémosyne, augmenteront son immortel renom, attentives à célébrer en lui le culte de Jupiter hospitalier, et la gloire de l’amitié fidèle. »

Ces courtes paroles littéralement traduites ne semblent-elles pas garder encore la marque ineffaçable du grave et lumineux esprit qui leur avait donné la mélodie de sa langue et celle des vers ? Et si on voulait rêver pour Aristote une émotion lyrique, en pourrait-on supposer une plus naturelle et meilleure ?

  1. Poet. lyr., ed. Boiss., p. 26.