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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

des bienfaisantes ondées du ruisseau. À ceux dont la vertu n’est pas une science d’emprunt, mais à qui par nature est départie la modération en tout, il appartient de cueillir ces couronnes. Les méchants n’y ont pas droit. Mais, ô reine chérie, accepte pour ta blonde chevelure ce réseau donné par une main pieuse. Seul, j’ai cette faveur, parmi tous les mortels ; je suis avec toi ; j’échange avec toi des paroles ; je puis ouïr ta voix ; mais je n’aperçois pas ton visage. Puissé-je, à mon déclin, terminer ma vie comme je la commence ! »

Ô Racine ! comment n’avez-vous pas renouvelé, dans votre admirable langage, ce qui se devine à peine ici du charme si pur de l’original ? Pourquoi ces discours d’un gouverneur de prince, au lieu du souvenir de cette invisible et divine maîtresse, dont l’innocent Hippolyte croit entendre la voix dans le silence des forêts ? — Faut-il maintenant un contraste à cette mélodie délicieuse ? Quelle prophétique menace dans les accents du chœur, témoin des égarements de Phèdre, et, à cette vue, demandant, pour fuir au loin, les ailes de la colombe !

« Que ne suis-je sous l’abri des rochers brûlés des feux du soleil[1], et qu’un dieu ne m’a-t-il fait oiseau léger, parmi les hôtes de l’air ! Je m’envolerais vers les flots amers de l’Adriatique et les bords de l’Éridan,

  1. Eurip. Hippolyt. p. 162.