Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
225
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

fois, l’accent du dithyrambe n’a pas disparu dans Sophocle, et revient selon le sujet. Voyez l’Ajax furieux ; près du héros, dont la tristesse annonce l’égarement, ne croit-on pas entendre l’éclat joyeux d’une fête ? Et quel pathétique dans ce contraste !

« J’ai frémi d’amour[1] ; je me suis laissé ravir à la joie. Ô dieu Pan, ô dieu Pan ! ô Pan, qui marches sur la mer, apparais-nous des cimes rocheuses de Cyllène couvert de neige ; apparais-nous, ô roi des chœurs, et viens avec moi disposer les libres danses de Nysa et de Gnosse ! Aujourd’hui, je n’ai souci que des danses. Traversant la mer d’Icare, vienne le roi Apollon de Délos, heureusement visible, et pour moi toujours favorable ! Mars a détourné de nos yeux le fléau cruel. Et maintenant, ô Jupiter ! il est temps pour les vaisseaux agiles volant sur les flots d’aborder, sous une heureuse étoile, alors qu’Ajax, derechef oublieux du mal, accomplit toutes les offrandes aux Dieux, les adorant avec grande piété. Le temps use toutes choses ; et je n’en crois aucune invraisemblable, puisque pour les Atrides Ajax est revenu de son désespéré courroux et de sa grande querelle. »

Dans ce drame d’Ajax, si tragique et si simple, le chœur avait encore un autre emploi, ces lamentations funèbres où avait excellé Simonide. Laissé près de la

  1. Sophocl. Aj. p. 16.

15