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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

de Cléandre, enfant d’Égine, la cité favorite de Pindare, parmi les glorieux confédérés de la liberté grecque.

Une fête domestique commence l’hymne triomphal. Pindare vient, au milieu des concitoyens et des amis, saluer le jeune vainqueur, dans la maison de son père, riche citoyen d’Égine ; et tout aussitôt la pensée du poëte s’élève à la joie du patriotisme commun, comme pour y perdre le souvenir de la faute et du malheur de Thèbes.

« Pour Cléandre et sa mâle vigueur, en glorieux salaire de ses peines, ô jeunes gens ! sous le brillant portique de son père Télésarque, qu’un de vous aille éveiller le chant joyeux du Chœur, prix de sa victoire dans l’isthme, et de la force qu’il a trouvée aux combats de Némée ! Et nous, quoique affligés dans l’âme, ô Muse aux paroles d’or, délivrés de grandes douleurs, ne restons pas comme abattus et sans couronne ; ne cultive pas en nous la tristesse : cessons des tourments inutiles ; laissons-nous vaincre à quelque plaisir. Ce rocher de Tantale, menaçant au-dessus de nos têtes, l’épouvantable calamité de la guerre, un dieu l’a détourné. La crainte, en s’éloignant, a emporté mon cruel souci. Mieux vaut toujours, en tout, regarder la chose présente à nos pieds. Car sur nous est suspendu le temps insidieux qui déroule le cours incertain de la vie. Mais, avec la liberté, ces maux-là même, les mortels peuvent les adoucir. Il faut seulement garder au cœur bonne