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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

pas craint de traduire en plein théâtre, sous un terme de composition grotesque, ce qu’il nommait la race porco-béotienne, portant des robes ornées de franges. Comment le renom du poëte Hésiode, cet éveil du génie grec, dans le pauvre et froid village d’Ascra, non moins que sur les bords enchantés du Mélès, n’avait-il pas justifié la Béotie, et revendiqué pour elle une première part dans la gloire poétique de la Grèce ? L’antiquité ne nous en dit rien ; et nous voyons la prévention anti-béotienne, à travers une autre langue, passer dans les vers d’Horace si charmé du génie de Pindare.

« Bœotûm in crasso jurares aëre natum[1] »

Elle se conserve, elle se répète par delà l’époque où elle était si fort démentie par le savoir et l’inventive sagacité de Plutarque, dans le déclin de l’esprit grec.

La cause ancienne de cette opinion tenait sans doute à une sorte de rudesse des hommes de la Béotie, n’ayant pas eu, comme ceux d’Athènes, l’activité du commerce et des arts, vivant d’une vie plus simple, laboureurs et bergers, et ne pratiquant pas, comme les Spartiates, leurs voisins, cette forte discipline, cette vertueuse et austère pauvreté qui, seule aux yeux des

  1. Hor. Epist. l. ii, ep. 1, v. 244