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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

la tragédie grecque une peinture de douleurs ou de crimes mauvaise pour les âmes, n’aurait-il pas eu quelque louange d’exception ou quelque regret marqué pour le poëte dont il aime d’ailleurs la gravité religieuse, et, qu’il n’avait pas banni comme Homère de sa république idéale ?

Comment, plus tard, le minutieux Denys d’Halicarnasse, Longin, et ce qui reste d’élégants sophistes, Aristide, Dion, Thémiste, Libanius, Julien ; comment nul de ces Pères si lettrés, depuis Clément d’Alexandrie jusqu’à saint Basile, dans son traité du Profit à tirer de la poésie païenne ; comment nul scoliaste, depuis les fragments d’Aristarque jusqu’aux volumes d’Eustathe, n’auraient-ils jamais emprunté une citation, un fait, une parole, aux dix-sept tragédies du grand poëte lyrique ? Il faudrait donc le supposer là tout-à-fait inférieur à lui-même, et croire que cette partie de son œuvre se serait, du vivant même de l’antiquité grecque, abaissée dans l’ombre et n’aurait pas duré même jusqu’aux lettrés romains, qui, dès le temps de Scipion et d’Ennius, s’étaient si fort occupés de la poésie de la Grèce, et ne cessaient de traduire et d’imiter son théâtre ? Cicéron, si jaloux de rendre en ïambes latins des monologues de Sophocle, pouvait-il oublier le poëte grec qui aurait uni à l’enthousiasme de l’ode la puissance du drame tragique ?

Tant de motifs, le silence de Quintilien, comme celui d’Horace, ou plutôt le silence de toute l’antiquité,