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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

le dernier effort du désespoir animant la discipline. « Vous êtes, dit le poëte[1], la race invincible d’Hercule ; prenez cœur. Le regard de Jupiter n’est pas encore détourné de vous. N’ayez ni inquiétude ni terreur de la foule des ennemis ; mais que chacun, bouclier en avant, aille droit aux agresseurs, tenant la vie en haine et préférant les affres de la mort au doux éclat du jour. Vous connaissez combien rudes sont les travaux de Mars, qui fait couler tant de pleurs ; vous savez la violence de l’impitoyable guerre : et, soit vaincus et fuyant, soit vainqueurs acharnés, ô jeunes gens ! vous avez connu l’une et l’autre épreuve. Car de ceux qui, serrés l’un contre l’autre, ont d’eux mêmes affronté les premiers abords, il n’en meurt qu’un petit nombre ; et ils sauvent le peuple derrière eux. Mais des guerriers qui se troublent ont perdu toute force. Nul ne saurait exprimer par la parole que de maux adviennent à ceux qui souffrent la honte. C’est opprobre de frapper par derrière l’homme qui fuit dans le combat.

Honte à celui qui tombe mort sur la poussière, le dos percé de la pointe du fer ! mais que chacun reste ferme en avant, de ses deux pieds pressant la terre et serrant sa lèvre des dents, les cuisses, les jambes, la poitrine et les épaules couvertes d’un large bouclier ! Que de sa dextre il darde les coups

  1. Poet. lyr. græc., ed. Bergk., p. 309.