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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

combat, tous, jeunes et anciens, le vénèrent : et, après de grandes joies éprouvées, il descend chez Adès. Vieillissant, il est illustre parmi les citoyens ; et personne ne veut le blesser ni dans sa dignité ni dans son droit. Dans les assemblées, tous ensemble, les jeunes et ceux qui sont du même temps, lui cèdent la place, et ceux qui sont plus anciens aussi. Qu’on s’efforce donc d’arriver à ce comble de la vertu, en ne laissant pas son cœur s’énerver pour la guerre ! »

Sous la gravité douce du mètre élégiaque, cet amour de la gloire, et les vertus dont il se nourrit, le culte de la patrie, la pitié pour les faibles, le devoir de les défendre, enflamment Tyrtée d’un enthousiasme contenu qui n’a pas moins de puissance que l’accent le plus lyrique. C’est, dans les formes de l’art, l’image de cette marche régulière et terrible dont les Crétois abordaient lentement, au son de la flûte et de la lyre, les bataillons ennemis. Telle est l’ardeur calme et vraie de cette poésie guerrière.

« Il est beau de mourir[1] tombant au premier rang, en homme de courage qui combat pour la patrie. Mais, loin de sa ville et des campagnes fécondes qui l’entourent, mendier errant, avec une mère chérie, un vieux père, des enfants, une jeune épouse, c’est la plus déplorable des misères. Celui-là est importun à ceux qu’il vient supplier, cédant au malheur et à l’af-

  1. Poet. lyr. græc., ed. Bergk., p. 308.