Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
117
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

ment le poëte libre et persécuté porta dans ce travail, un peu monotone pour d’autres, quelque chose de son caprice et de sa fougue. Le champ même assez vaste de la mythologie homérique ne le retint pas. Voyageur en Asie et chez les peuples qu’on appelait hyperboréens, il en rapporta dans la Grèce des traditions nouvelles.

Ainsi, autant que nous en pouvons juger par un extrait affaibli, pour célébrer Apollon, il avait dans un hymne introduit toute une légende inconnue et charmante, où cependant les souvenirs de Delphes gardaient leur place : « Le jeune dieu[1], à sa naissance, recevait de Jupiter une lyre, un diadème d’or, et était envoyé sur un char traîné par des cygnes à ce temple de Delphes, nombril de l’univers, disait-on, pour y rendre des oracles. Mais, infidèle à cet honneur, il avait tourné le vol de son char vers la terre des Hyperboréens, et il s’était attardé dans ce séjour. Cependant, à Delphes, ses adorateurs, désespérés de ce retard, célébraient des solennités et des danses autour du trépied sacré, pour appeler la présence propice du dieu. Enfin il avait paru au milieu de l’été, entre les chants des rossignols et la plus grande splendeur de la nature épanouie. »

La timidité même de notre goût moderne découvre quel trésor d’harmonie, quel éclat d’images, quel renouvellement de la liturgie poétique cette fiction de-

  1. Him. Soph. orat., p. 622.