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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Là où nulle représentation dramatique n’était admise, bien qu’il y eût un théâtre, là où les vers d’Homère, apportés par Lycurgue, n’avaient point inspiré d’imitation épique, la poésie ne devait être qu’un instrument passager de discipline morale et d’enthousiasme. Les Spartiates n’avaient, comme Léonidas aux Thermopiles, qu’un moment pour sacrifier aux Muses, en se couronnant de fleurs, avant de mourir.

La poussière des débris qui nous restent encore des inspirations d’Alcman semble partout indiquer cet emploi. Il avait dans ses hymnes chanté la Fortune, divinité inconnue au temps d’Homère ; mais il l’avait supposée fille de la Prudence et sœur du Bon Gouvernement. Ainsi, dans la fiction du poëte, paraissait la pensée du citoyen d’un État libre. Ailleurs il avait montré la sage hardiesse du philosophe réduisant les plus menaçantes fictions du polythéisme à des symboles moraux, et, par exemple, faisant du rocher suspendu sur Ixion la terreur imminente du remords. Tel apparaît, dans quelques faibles restes, ce poëte antérieur à Pindare mais qu’on ne peut nommer qu’après lui, par rapport à lui et dans d’imparfaites conjectures.

Lus et relus, les vers épars conservés sous son nom jusqu’à nous semblent comme un indice de cette poétique ardeur qui couvait partout dans la Grèce. Nous y retrouvons, avec quelques formes un peu rudes, ce dialecte dorien que Pindare allait orner de tant de magnificence. Mais nous y remarquons aussi, par le choix de