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LES DESTINÉES.


Oh ! dans quel désespoir nous sommes encor tous !
Vous avez élargi le collier qui nous lie,
Mais qui donc tient la chaîne ? − Ah ! Dieu juste, est-ce vous ?

Arbitre libre et fier des actes de sa vie,
Si notre cœur s’entr’ouvre au parfum des vertus,
S’il s’embrase à l’amour, s’il s’élève au génie,

Que l’ombre des Destins, Seigneur, n’oppose plus
À nos belles ardeurs une immuable entrave,
À nos efforts sans fin des coups inattendus !

Ô sujet d’épouvante à troubler le plus brave !
Question sans réponse où vos saints se sont tus !
Ô mystère ! ô tourment de l’âme forte et grave !