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JOURNAL D’UN POÈTE

un jour. — Le capitaine fit connaissance avec un passager. Homme d’esprit, il lui dit : « Je n’ai jamais vu d’homme qui me fût aussi cher. » Arrivés à la hauteur de Taïti. — Sur la ligne. — Le passager lui dit : « Qu’avez-vous donc là ? — Une lettre que j’ai ordre de n’ouvrir qu’ici ; pour l’exécuter. » Il dit aux matelots d’armer leurs fusils et pâlit. « Feu ! » il le fait fusiller.[1]


――


LE PORT


Une ancre sur le sable, un cordage fragile
Te retiennent au port et pourtant, beau vaisseau,
Deux fois l’onde en fuyant te laisse sur l’argile,
Et deux fois, ranimé, tu flottes plus agile
Chaque jour au retour de l’eau !

Comme toi, l’homme en vain fuit, se cache ou s’exile
La vie encor souvent le trouble au fond du port,
L’élève, puis l’abaisse, ou rebelle ou docile ;
Car la force n’est rien, car il n’est point d’asile
Contre l’onde et contre le sort.

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comparaison poétique. — L’Islande. — Dans les nuits de six mois, les longues nuits du pôle, un voyageur

  1. Première idée qui est devenue Laurette, ou le Cachet rouge.(L.R.)