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Mais, fière, elle semblait chercher dans sa pensée
Ce qui vengerait mieux une femme offensée,
Et demander au Dieu d’amour et de douleur
Des forces pour lutter contre elle et le malheur.
Le jeune Grec disait : « Parlez, ma bien-aimée,
« Votre voix à ma voix est-elle inanimée ?
« Vous repoussez ce bras, ce cœur où pour toujours
« Se doivent confier et s’appuyer vos jours !
« Vous le voulez ? eh bien ! je le veux, que ma bouche
« S’éloigne de vos mains, et jamais ne les touche ;
« Non, ne m’approchez pas, s’il le faut ; mais du moins,
« Héléna, parlez-moi, nous sommes sans témoins :
« Voyez, tous les soldats ont connu ma pensée,
« Ils n’ont fait que vous voir, la poupe est délaissée.
« Ce voyage et la nuit auront un même cours,
« Usons d’un temps sacré propice à nos discours,
« C’est le dernier peut-être. Ô ! dites, mon amie,
« Pourquoi pas dans Athène à cette heure endormie ?
« Et pourquoi dans ces lieux ? et comment ? et pourquoi
« Ce désordre et vos yeux qui s’éloignent de moi ? »