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— « On se bat dans Athène. Une femme est ici
« Qui vous demande asile, et pleure. La voici. »
On voit deux matelots puis une jeune fille ;
Ils montent sur le bord, une lumière y brille,
Un cri part : « Héléna ! » Mais les yeux d’un amant
Pouvaient seuls le savoir ; pâle d’étonnement
Lui-même a reculé, croyant voir lui sourire
Le fantôme égaré d’une jeune martyre.
Il semblait que la mort eût déjà disposé
De ce teint de seize ans par des pleurs arrosé :
Sa bouche était bleuâtre, entr’ouverte et tremblante ;
Son sein, sous une robe en désordre et sanglante,
Se gonflait de soupirs et battait agité
Comme un flot blanc des mers par le vent tourmenté.
Un voile déchiré tombant des tresses blondes
Qu’entraînait à ses pieds l’humide poids des ondes,
Ne savait pas cacher dans ses mobiles plis
Le sang qui rougissait ses épaules de lis.
Serrant un crucifix dans ses mains réunies,
Comme un dernier trésor pour les vierges bannies,
Sur ses traits n’était pas la crainte ou l’amitié ;
Elle n’implorait point une indigne pitié,