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« Alors on nous verra tous deux, ma fiancée,
« Traverser lentement une foule empressée,
« Devant nous les danseurs et le flambeau sacré ;
« Puis du voile de feu son front sera paré,
« Et les Grecs s’écrieront : « Voyez, c’est la plus belle,
« C’est la belle Héléna qui, pieuse et fidèle,
« Pour sa patrie et Dieu, sacrifiant son cœur,
« Devait périr, ou vivre avec Mora vainqueur !
« Et le voici : c’est lui dont la main vengeresse
« Brisa le premier nœud des chaînes de la Grèce,
« Et pliant sous sa loi les corsaires domptés,
« Apprit à leurs vaisseaux des flots inusités. »
Ainsi loin de la foule émue et turbulente,
Auprès de cette mer à la vague indolente
Rêvait le jeune Grec, et son front incliné
De cheveux blonds flottants pâlissait couronné.
Tel, loin des pins noircis qu’ébranle un sombre orage,
Sur une onde voisine où tremble son image,
Un saule retiré courbant ses longs rameaux,
Pleure et du fleuve ami trouble les belles eaux.