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J’appelais le bonheur, et ces êtres amis
Qu’à mon âge brûlant un songe avait promis.
Mes larmes ont rouillé mon masque de torture,
J’arrosais de mes pleurs ma noire nourriture,
Je déchirais mon sein par mes gémissemens,
J’effrayais mes geôliers de mes longs hurlemens ;
Des nuits, par mes soupirs, je mesurais l’espace ;
Aux hiboux des créneaux je disputais leur place,
Et, pendant aux barreaux bit s’arrêtaient mes pas,
Je vivais hors des murs d’où je ne sortais pas.
Ici tomba sa voix. Comme après le tonnerre
De tristes sons encore épouvantent la terre
Et, dans l’antre sauvage où l’effroi l’a placé,
Retiennent, en grondant, le voyageur glacé,
Long-temps on entendit ses larmes retenues
Suivre encore une fois des routes bien connues ;
Les sanglots murmuraient dans ce cœur expirant.
Le vieux prêtre toujours priait en soupirant,
Lorsqu’un des noirs geôliers se pencha pour lui dire
Qu’il fallait se hâter, qu’il craignait le délire.
Un nouveau zèle alors ralluma ses discours :
Ô mon fils ! criait-il, votre vie eut son cours,