Page:Vignon - Un drame en province - La Statue d Apollon.djvu/234

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gides et aux cassures nettes, des montagnes gigantesques de Carrare. Aucune végétation ne vient en rompre les lignes ni en nuancer les teintes bleuâtres. Tandis que les montagnes couvertes de neige arrondissent les angles de leurs cimes, celles-ci semblent déchirer le ciel de leurs arêtes aiguës. — Eh bien ! la mine, que vous pouvez aussi entendre, en prêtant l’oreille, fait, d’heure en heure, sauter d’énormes quartiers de marbre. Ces quartiers, des hommes adroits et forts les poussent jusqu’à un torrent qui a tracé son lit entre les deux montagnes, et descend à la mer, comme tous les torrents qui roulent des Alpes à la Méditerranée. Le lit de ce torrent, c’est le chemin que prend le marbre pour arriver au port. Des bœufs, attelés par troupeaux, remorquent les blocs, et les traînent jusqu’au vaisseau où on les embarque. Quelquefois, ces bœufs restent plusieurs jours attelés à un seul morceau de marbre. Lorsqu’un bateau a son chargement, il prend le large et va pourtourner l’Espagne par le détroit de Gibraltar, côtoie le Portugal, traverse le golfe de Gascogne, et gagne le Havre. Là, il entre en Seine, et remonte jusqu’à Paris. Voilà comment vous voyez, de votre balcon, fonctionner la grue, qui enlève les blocs sur le pont du bateau et les dépose sur la berge.