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prise ; sa pose abandonnée avait cette grâce juvénile que ne remplacent jamais ni l’art ni l’étude ; ses vêtements simples n’accusaient précisément aucune caste sociale. Son teint mat avait cet éclat chaud qui fait ressortir la régularité des traits et le noir brillant des cheveux. Ses lèvres bien rouges, ombragées d’une moustache naissante, s’entr’ouvraient et montraient des dents pareilles à des perles ; ses yeux, profonds et noirs, semblaient envelopper la comtesse tout entière d’un regard plein d’admiration.

« Depuis combien de temps est-il là ? » se demanda Mme de Morelay troublée par ce regard. Elle allait se lever par un mouvement d’instinctive pudeur ; mais je ne sais quelle tentation inavouée la retint. Peut-être aussi, ne voulut-elle pas avoir l’air de prendre garde à cet admirateur de rencontre ; peut-être ne voulut-elle pas tirer M. de Morelay de sa douce torpeur ; peut-être enfin, étonnée de se sentir émue, essaya-t-elle de réagir contre cette émotion, de la dominer et de regarder à nouveau ce jeune homme, cet enfant, si beau et si bien encadré par les splendeurs de la nature.

Elle avait baissé les yeux ; elle les releva. Mais elle s’était remise ; ils ne trahirent plus la surprise ni la confusion. Ils n’exprimèrent qu’un intérêt froid, à