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roit que le dépit d’avoir été trompé dans ses espérances a déterminé le choix de sa dernière demeure. Le délabrement de cette tombe, son isolement, affligèrent mon cœur. Jamais la fragilité des grandeurs humaines n’avoit plus vivement frappé mon imagination. J’avois vu l’amiral Bruix, dans tout l’éclat du ministère, entouré de sollicitations et d’hommages, dispensant les honneurs et les récompenses ; je l’avois retrouvé dans le port de Brest, environné de tout l’appareil de la puissance ; les flottes espagnoles et françoises étoient rangées sous son pavillon ; deux mille officiers de tous rangs se pressoient autour de lui ; soixante vaisseaux de ligne se mouvoient à son commandement. Le spectacle majestueux de ces citadelles flottantes, le magique appareil d’une armée navale se représentoient à ma pensée. Je l’avois revu plus tard à la tête de cette flottille immense, dont les mille et mille banderolles couvroient les rivages de la Flandre, et qui sembloient porter les destinées de Rome et de Carthage ; et je ne voyois plus qu’une tombe dégradée, entourée de broussailles et de ruines ; et, dans la situation pénible où m’avoit