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et ses dangers : des trésors immenses furent consacrés à la destruction de l’Angleterre ; mais ce ne fut ni à des vaisseaux ni à des flottes qu’il confia le soin de cette destruction. Il ne pouvoit y monter lui-même, et ce n’étoit pas assez pour lui d’ordonner et de préparer ce triomphe : il avoit l’égoïsme de la gloire, et son orgueil eût été jaloux des marins qui l’auroient obtenu. Il rassembla ses légions menaçantes sur les hauteurs de Boulogne. Une flottille innombrable fut créée comme par enchantement pour transporter ces légions sur les plages britanniques, et l’amiral Bruix eut le commandement de ces deux mille galères qui nous rappeloient les expéditions d’Agamemnon et de Xerxès. Mais cet appareil fastueux, ces apprêts formidables, devinrent inutiles. La raison, le caprice, ou la perfidie (car l’Europe est demeurée dans l’incertitude), dérobèrent à l’amiral Bruix la gloire d’une expédition dont le succès est encore un problème ; et le marin célèbre qu’elle auroit couvert d’un immortel éclat, aux yeux duquel elle n’étoit point une chimère, s’en vint mourir dans la retraite et presque dans l’obscurité. On croi-