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Les rêves d’un homme éveillé vont toujours plus loin que ceux de la nuit. Le démon des conquêtes s’étoit emparé de moi ; et j’allois envahir une seconde fois l’Europe entière, lorsqu’à vingt pas du tombeau de Masséna, celui d’un diplomate célèbre me ramena vers des idées plus pacifiques. C’étoit l’ambassadeur Otto, qui avoit signé les préliminaires du traité d’Amiens ; et, me rappelant les transports d’allégresse qu’avoit excités à Paris et à Londres la nouvelle de cet événement imprévu, je rougis presque du belliqueux enthousiasme auquel je venois de céder. Je voyois la populace angloise s’atteler au char du ministre pacificateur, et le reconduire en triomphe jusque dans son palais ; j’assistois aux réjouissances plus décentes de mes compatriotes ; et, des rêves d’un Alexandre, je passois en un instant au rêve consolateur de l’abbé de Saint-Pierre.


Les conquérants et les combats
Sont les ornements de l’histoire :
Nous aimons le récit d’une belle victoire
Et les contes des vieux soldats ;
Nous admirons César au temple de mémoire,