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DE TORMÈS

ou leur piété, il jouait devant eux au saint Thomas, et deux heures durant parlait latin, ou du moins quelque chose qui y ressemblait, encore que ce n’en fût pas.

Quand de gré on ne lui prenait pas les bulles, il cherchait à les faire prendre de force, molestant le peuple et parfois usant de cauteleux artifices. Et comme il serait trop long de conter tous ceux que je lui vis employer, je n’en dirai qu’un fort subtil et plaisant, qui montrera assez son adresse.

En un lieu de la Sagra de Tolède, où il avait prêché deux ou trois jours, faisant ses diligences accoutumées, les gens ne lui avaient pas pris la bulle, ni, à ce qu’il me parut, n’avaient envie de la lui prendre. Il s’en donnait au diable, et, ayant pensé ce qu’il devait faire, résolut de convoquer le peuple pour le lendemain au matin expédier la bulle.

La veille au soir, après souper, l’alguazil et lui s’étant mis à jouer la collation, eurent dispute à propos du jeu et de mauvaises paroles, lui appelant l’alguazil larron, et l’alguazil l’appelant faussaire.