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DE TORMÈS

troupe et à toutes jambes redescendis jusqu’à notre maison, qu’après y être entré je fermai en grande hâte, implorant l’aide et la faveur de mon maître et l’embrassant pour qu’il vînt me secourir et défendre l’entrée. Lui, un peu troublé et croyant qu’il s’agissait d’autre chose, me dit : « Qu’est-ce, garçon ? Pourquoi cries-tu ? Qu’as-tu ? Pourquoi fermes-tu la porte avec telle furie ? » — « Oh ! Monsieur », répondis-je, « accourez ici, on nous apporte un mort. » — « Comment, un mort ? » — « Oui, je l’ai rencontré là-haut, et sa femme l’accompagnait en disant : « Mon mari et mon seigneur, où vous portent-ils ? à la maison caverneuse et sombre, à la maison triste et infortunée, à la maison où l’on ne mange ni ne boit. » Oui, Monsieur, ils nous l’apportent ici. » À ces mots, mon maître, quoiqu’il n’eût pas grand motif de rire, rit tellement, qu’il fut un très grand moment sans pouvoir parler.