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DE TORMÈS

les plus menus, mieux que n’eût fait son propre lévrier. « Avec une sauce à l’ail, » dit-il, « ce manger-là est exquis. » — « La sauce à laquelle tu le manges est encore meilleure, dis-je tout bas. » — « Pardieu, continua-t-il, je m’en suis régalé comme si je n’avais rien mangé de la journée. » — « Me vienne la bonne année, comme cela est vrai », dis-je à part moi.

Il me demanda la cruche à l’eau, que je lui donnai telle que je l’avais rapportée de la rivière ; preuve, puisqu’il n’y manquait rien, que mon maître n’avait pas dîné avec excès. Nous bûmes, et très contents fûmes dormir comme la nuit précédente.

Pour abréger je dirai que nous vécûmes ainsi huit ou dix jours, mon pécheur de maître sortant le matin, toujours avec ces mêmes contentement et démarche mesurée à humer l’air par les rues, tandis que le pauvre Lazare lui servait de pourvoyeur. Souvent je pensais à ma déplorable