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à bout par cette espèce de défi injurieux, j’entre avec un de mes agents, et me voilà au milieu de deux cents brigands, la plupart arrêtés par moi : allons, amis ! courage ! leur criaient des cabanons où ils étaient enfermés les condamnés à la réclusion, cernez le gros cochon, tuez-le, qu’il n’en soit plus parlé.

C’était le cas ou jamais de payer de front : « Allons, messieurs, dis-je aux forçats, tuez-le, on dira qu’il est venu au monde comme ça. Vous voyez qu’on vous donne de bons conseils : essayez. » Je ne sais quelle révolution s’opéra alors dans leur esprit, mais plus je me trouvais en quelque sorte à leur discrétion, plus ils paraissaient s’apaiser. Vers la fin du ferrement, ces hommes, qui avaient juré de m’exterminer, s’étaient tellement radoucis que plusieurs d’entr’eux me prièrent de leur rendre quelques légers services. Ils n’eurent pas à se repentir d’avoir compté sur mon obligeance, et le lendemain, à l’heure du départ, après m’avoir adressé leurs remercîments, ils me firent des adieux pleins de cordialité. Tous étaient changés du noir au blanc ; les plus mutins de la veille étaient devenus souples, respectueux, du moins dans l’apparence, et presque rampants.