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la vie extérieure, elles exercent directement une action sur l'homme. Les richesses minérales, qui manquent trop au Bassin parisien, foisonnent ici. En réalité l’Ardenne et les plaines de la Belgique qui lui sont contiguës font partie d’un même massif.


I VOISINAGE DU MASSIF PRIMAIRE

Il suffit, en effet, dans le Hainaut et le Brabant, que l'érosion des rivières ait quelque peu raviné la surface, pour voir affleurer, à Hal, à Gembloux, des schistes et des quartzites exploités de longue date ; à Ath, Maubeuge, Tournai, les calcaires anciens qui ont fourni ces marbres bleuâtres si recherchés de tout temps dans les constructions du Nord de la France. Dans les plaines de Lens ou dans celles de Jemappes, au Nord de Mons, la surface ondule sous les moissons. Ici ce n’est pas par des pointements avivés par les eaux que se révèlent les vestiges du Massif archaïque, mais par les débris que l’homme y arrache et qu’il en rejette. Sans les montagnes de scories noires qui s’élèvent çà et là, on ne soupçonnerait pas la vie intense qui s’agite dans les galeries du sous-sol. Le substratum primaire n’est point, en effet, comme dans le Brabant, immédiatement recouvert par les dépôts tertiaires ; les mers de la craie ont par transgression envahi cette partie de la région[1]. Mais les couches qu’elles ont laissées comme trace de leur séjour temporaire sont assez minces pour que l’homme ait pu les traverser sans trop de peine et retrouver la houille sous le plongement qui la dissimule.

Or, ces roches faiblement enfouies ou qui pointent çà et là, dans le Hainaut, le Brabant, une partie de la Flandre française et de l’Artois, jusque dans le Boulonnais enfin, on les retrouve occupant les surfaces, constituant des crêtes et des creux, des plateaux et des vallées, dès qu’on franchit, de Charleroi à Liège, la Sambre et la Meuse. La houille affleure au sol ; les calcaires dressent des escarpements couleur de rouille. Un monde de roches, aux tonalités sombres, où pourtant les schistes verts ou violacés sont pénétrés par moments par la blancheur des veines de quartz, prend possession de la contrée.

L’esprit est assez naturellement amené à conclure que nous avons ainsi sous les yeux les parties d’un même tout, et que, sous des oscillations qui en ont légèrement enfoncé une partie tandis que l’autre était légèrement relevée, c’est le même massif primaire qui, dans l’Ardenne comme dans les plaines qui s’y appuient au Nord-Ouest, constitue la charpente essentielle du sol. Telle est bien, en effet, la conclusion qui résulte, non seulement de l’analogie des roches, mais de celle des accidents auxquels elles ont participé. Il ne

  1. C’est sous les couches de craie qu’à Bernissart (Hainaut), des fouilles, entreprises en 1877 pour les mines, ont fait découvrir les ossements d’iguanodon, reptiles gigantesques qui habitaient une vallée profondément encaissée dans le terrain houiller (Musée royal d’histoire naturelle de Bruxelles). Les dépôts de la craie, en s’étalant en couches horizontales, avaient comblé ces inégalité du relief primaire.