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PREMIÈRE PARTIE


ARDENNE ET FLANDRE



CHAPITRE PREMIER


LE CONTACT POLITIQUE


DE LA MER DU NORD


I. VICISSITUDES POLITIQUES DE LA RÉGION. || II. INFLUENCE DE LA MER DU NORD. || ANGLETERRE. || IV. EFFET SUR LA FORMATION DE l’ÉTAT FRANÇAIS.


LA PARTIE d’Europe où les Pays-Bas expirent en face de l’Angleterre et qui s’ouvre, entre l’Ardenne et le Pas de Calais vers le Bassin parisien, est une région historique entre toutes. Peu de contrées comptent plus de souvenirs de guerres. Il n’est presque pas une motte de terre, entre la Sambre et l’Escaut, l’Oise et la Somme, qui n’ait été foulée par les armées. Et, le plus souvent, ces rencontres d’armées étaient des rencontres de peuples : Celtes et Germains, Gallo-Romains et Germains, Français, Anglais et Allemands. Les luttes par lesquelles durent se constituer races et Etats, pressés les uns contre les autres dans les étroits espaces que leur mesure notre Europe, se sont en grande partie déroulées sur ce théâtre.

C’est en effet un carrefour auquel aboutissent les principales routes de l’Europe. On y venait, par terre, de la Méditerranée, depuis les temps les plus lointains. Par terre également, les routes du Rhin et de la Basse-Allemagne y aboutissaient. Par mer, les navigations frisonnes et Scandinaves, dans leur expansion vers le Sud, abordaient au pays de Kent et sur la côte flamande qui lui fait face. De cette convergence de routes, de cette concentration de rapports, il résulta que cette contrée devint peu à peu un puissant loyer de vie générale. C’est par là que la propagande chrétienne s’avança vers le Nord : Reims, Tournai, Noyon, Corbie devinrent ainsi des centres d’influence lointaine, religieuse et artistique. Plus tard, le commerce des Flandres fut vraiment un commerce universel, au sens que pouvait avoir ce mot au XIVe siècle.