Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

genistées touffues tout illuminées de fleurs jaunes, indiquent une composition différente des éléments du climat. Ce que la rigueur accidentelle des froids, la violence des vents, l’intensité des sécheresses, le régime des cours d’eau mêlent de brusque et d’un peu âpre à la nature du Sud-Est de la France, s’atténue en ce Sud-Ouest dans une tonalité plus égale. Il y a pourtant des recrudescences et des sursauts. A l’abri des dunes de Soulac, au Sud de la Gironde, dans l’atmosphère surchauffée des sables, les eaux infiltrées communiquent à la végétation une vigueur et un éclat superbes. La végétation siliceuse des Landes, qui s’était montrée par intermittences sur les sables épars en Périgord, prend possession du sol ; le panache des pins maritimes se projette au-dessus des fourrés d’ajoncs et de bruyères ; le chêne occidental remplace le chêne-yeuse. Enfin, lorsqu’apparaissent les pics pyrénéens, dans l’angle où s’engouffrent les vapeurs des vents d’Ouest, les pluies reprennent avec intensité. Pluies interrompues de soleil, qui pourtant excluent la vigne, remplacée par le pommier sur les croupes verdoyantes et fourrées du pays basque. Les orages arrivent en quelques minutes ; ils courent avec une rapidité extraordinaire de pic en pic sur la côte ; mais un radieux soleil les a bientôt dissipés aux quatre coins du ciel. Ce ciel mobile et gai, plus doux dans les Charentes, plus ardent en Gascogne, plus capricieux dans le pays basque, a tout le brillant du Midi sans le sombre éclat de la Méditerranée.

Ce qui frappe d’abord dans l’ensemble de cette physionomie, c’est l’amplitude des différences. Sur une surface qui n’est que la dix-huitième partie de l’Europe, nous voyons des contrées telles que la Flandre ou Normandie d’une part, Béarn, Roussillon ou Provence de l’autre ; des contrées dont les affinités sont avec la Basse-Allemagne et l’Angleterre, ou avec les Asturies et la Grèce. Aucun autre pays d’égale étendue ne comprend de telles diversités. Comment donc se fait-il que ces contrastes n’aient pas été des foyers d’action centrifuge ? Il n’a pas manqué sur nos côtes d’immigrants saxons, Scandinaves ou autres ; on ne voit pourtant pas que ces groupes aient jamais réussi, s’ils l’ont même tenté, à se constituer en populations à part, tournant le dos à l’intérieur, comme il est arrivé pour certaines tribus maritimes, frisonnes ou bataves, de Basse-Allemagne.


VI LIAISONS ENTRE LE NORD ET LE SUD

C’est qu’entre ces pôles opposés la nature de la France développe une richesse de gammes qu’on ne trouve pas non plus ailleurs. Si le Nord et le Sud font saillie en vif relief, il y a entre eux toute une série de nuances intermédiaires. Par une interférence continuelle de causes, climatériques, géologiques, topographiques, le Midi et le Nord s’entre-croisent, disparaissent et réapparaissent. La France est placée de telle sorte par rapport aux influences continentales et océaniques qui s’y rencontrent dans un équilibre instable, que de différents côtés plantes et cultures ont voie libre pour se propager,