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La partie septentrionale de notre pays est donc celle où se fait sentir surtout l’atténuation anormale du climat. Elle est, sinon sur le passage ordinaire, du moins dans le voisinage immédiat des dépressions qui créent en hiver le climat océanique. Tandis que, dans l’intérieur du continent, une zone de hautes pressions et de froids s’avance fréquemment de la Russie méridionale et de la Pologne jusqu’en Bavière, en Suisse et même au delà, le Nord de la France reste le plus souvent en dehors de cette « dorsale » ; il échappe ainsi aux rigueurs du climat continental. Il est rare qu’à l’Ouest du Rhin la gelée se prolonge avec continuité plus de quelques jours. Si nos hivers ternes et nébuleux ont leur tristesse, du moins le mouvement de l’eau, la verdure persistante de nombre de plantes y conservent l’image ou l’illusion de la vie. Dès que reviennent les températures propices au développement de la végétation, le cycle de vie recommence, ménageant à la plante jusqu’à sept mois, ou même huit mois dans les vallées de la Loire, pour parcourir les phases de son existence. Certes plus d’une fois la précocité est punie. Mais en somme l’effet est de répartir sur une très grande partie de l’année la possibilité des occupations agricoles, de multiplier les occasions et les genres de cultures.


IV VARIÉTÉS DUES À L'ORIENTATION ET AUX DIFFÉRENCES DU SOL

Imaginez maintenant dans ce cadre de la France du Nord tout ce qu’un climat changeant et une grande variété de sol peuvent produire de nuances. Car ici plus encore qu’ailleurs, c’est par additions ou soustractions successives, par des touches tour à tour tentées et reprises, que procède le changement de la nature vivante. Le printemps apparaît plus tôt dans la vallée du Rhin que dans le reste de l’Allemagne, et plus tôt dans l’Ile-de-France que dans la vallée du Rhin. Par plusieurs traits la Lorraine continue à tenir de l’Europe centrale : les pluies d’été y sont bien marquées ; les plateaux rocailleux de Lorraine et de Bourgogne leur doivent la conservation de leurs forêts, qu’il est si difficile de faire revivre une fois détruites. Ce que l’Est doit encore à sa position plus continentale, c’est une plus longue durée de ces automnes lumineux, qui aident la vigne à mûrir. Située vers la limite des influences continentales et maritimes, encore sensible aux influences méridionales, la contrée entre le Rhin et Paris tire de cet état d’équilibre instable une sensibilité plus fine pour réfléchir les moindres variétés d’altitude, d’orientation et de sol.

De là, des touches très variées de physionomie. Telles, par exemple, les différences qu’on observe entre les versants sur lesquels montent les vents pluvieux de l’Ouest, et les versants opposés. Les escarpements calcaires du Maçonnais, avec leurs tons clairs, leurs pierrailles croulantes qu’enveloppe une végétation finement ciselée de liserons et de lianes, évoquaient chez Lamartine des images de Grèce. En effet, entre l’humide Bresse et les ternes plateaux de l’Auxois, ces lignes de coteaux étalés vers l’Est ont quelque chose