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traversent de quelques traits de clarté l’obscurité de l’Europe primitive.

Enfin le Rhône, continué par la Saône, ouvre en droite ligne une voie fluviale de plus de 700 kilomètres, dirigée vers le Nord. Quoique la vallée du Rhône se compose en réalité d’une série de bassins, l’atténuation qu’éprouve ici l’obstacle dressé devant la Méditerranée est sensible. Par cette trouée du Sud au Nord, une carrière plus libre s’offre aux échanges de la nature et des hommes. Cette avenue conduit à d’autres : la Loire à Roanne n’est séparée du Rhône que de 70 kilomètres ; on gagne aisément la Seine par les rampes calcaires de Bourgogne, et l’on arriva par la vallée du Doubs à l’un des carrefours de l’Europe. Ainsi des voies naturelles, parties du littoral méditerranéen, traversent la Gaule vers l’Espagne, les Iles Britanniques, l’Europe centrale.


V LE COMMERCE DE L’ETAIN EN GAULE

Mais il fallait qu’un intérêt considérable et permanent appelât le commerce vers ces routes qui s’ouvraient. Seul l’attrait d’un de ces minéraux dont l’usage est indispensable à une société civilisée pouvait attirer chez nous les marchands et les voyageurs de la Méditerranée orientale, et amener entre des contrées aussi éloignées que les deux extrémités de la Gaule des relations assez régulièrement suivies pour exercer sur ce pays une profonde action géographique.

Ce fut le commerce de l’étain qui joua ce rôle. L’étain était pour des raisons bien connues un des métaux les plus recherchés par le commerce antique, mais les plus rares[1]. Parmi les contrées privilégiées où on le trouve sont les massifs de roches archéennes qui, dans la Galice, dans notre Bretagne, et dans la Cornouaille anglaise, se projettent en saillie sur l’Océan. Les mines d’étain de la Cornouaille (anciennes Cassitérides) conservaient hier encore le premier rang dans la production du globe. Celles de la Galice (ancien pays des Artabres), quoique moins riches, continuent à être exploitées. Notre Bretagne a cessé de fournir de l’étain ; mais elle prit certainement sa part dans l’approvisionnement d’étain de l’ancien monde.


VI LE BASSIN DE LA VILAINE

Le bassin de la Vilaine est une région éminemment stanifère. Le minerai affleure près du promontoire de Piriac entre l’embouchure de la Loire et celle de la Vilaine. On sait aujourd’hui que l’exploitation ne se borna pas aux alluvions et au minerai de la côte. Assez loin dans l’intérieur, près de Ploërmel et aux environs de Nozay, on a relevé des traces considérables de travail, qui ne laissent aucun doute sur l’extension de cette

  1. Voir t. I, liv. 1, chap. I, p. 10 de l’Histoire de France : Les Origines, la Gaule indépendante et la Gaule romaine, par M. G. Bloch.