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s’élève à un degré supérieur de développement, que sa vie soit en communication avec celle d’un domaine plus vaste, qui l’enrichit de sa substance et glisse en elle de nouveaux ferments.

Ces sources de vie n’ont pas manqué à la France. Elle y a puisé de divers côtés. Essayons de voir quelles ont été ses relations, d’abord avec la Méditerranée, puis avec la Péninsule ibérique, enfin avec l’Europe centrale.


II RELATIONS AVEC LA MÉDITERRANÉE

Par la Méditerranée la France est en rapport avec le domaine terrestre où se constituèrent les premières grandes sociétés : les plaines alluviales de la Mésopotamie et du Nil, les contrées découvertes, enrichies de débris volcaniques qui s’étendent au pied du Taurus d’Arménie ou d’Asie Mineure, en général enfin l’Asie occidentale. La géographie botanique, qui étudie l’origine des plantes cultivées et qui en suit les migrations, est parvenue par ses recherches à jeter quelque jour sur l’antique histoire humaine. Elle constate que l’homme n’a trouvé nulle part, si ce n’est peut-être en Chine, des moyens de subsistance plus variés que dans les contrées qui viennent d’être nommées. Plus de la moitié des céréales et graines nourricières connues sont originaires de cette partie du continent. Là, depuis une antiquité qu’il est difficile d’évaluer, car elle précède les grands empires que nous fait connaître l’histoire, apparaît constitué un système d’agriculture fondé sur la charrue, dans lequel le bœuf a son emploi comme animal de trait.


III LE MONDE MÉDITERRANÉEN

Parmi les céréales venues d’Asie, les unes, comme le seigle et l’avoine sont restées longtemps étrangères aux contrées de la Méditerranée et semblent n’y être arrivées qu’après avoir passé par l’Europe centrale ; mais les autres y apparaissent de très bonne heure.

L’orge primitivement et plus tard le blé sont devenus, pour les riverains de cette mer, le fond de la nourriture. Parmi les plantes textiles figure au premier rang le lin, avec lequel ils tissent des étoffes. C’est sur ce mode d’existence que se greffèrent, suivant les localités, d’autres variétés d’exploitation du sol, inspirées par les conditions du relief et de climat: l’élevage avec transhumance périodique, dans les régions montagneuses qui se pressent le long de la Méditerranée; les cultures d’arbres et d’arbustes, sur les terrasses abondantes en sources, et dans les plaines où l’eau s’infiltrant ne peut être atteinte que par les plantes à longues et profondes racines. Toute une légion d’arbres fruitiers, portée par des migrations humaines, vint, avec la vigne, garnir les bords de la Méditerranée, et faire au pays de Chanaan, à l’Apulie et la Sicile cette renommée légendaire dont nos esprits ne sont pas encore affranchis. Cet art des plantations, que les Grecs distinguaient par le mot ϱυτεύεω, est, comme l’indique fort bien Thucydide, un art