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grand fleuve se dégagent. Il coule, entrelaçant les îles, dans une ample vallée bordée de vignes, terre promise de riches abbayes. La vieille église de la Charité, fille de Cluny, domine un de ces horizons qui annoncent pour la première fois sur le fleuve à peine échappé au Massif central les aimables et opulents paysages qu'il baignera plus tard. On penserait déjà à la Touraine, si un promontoire montagneux, où s’est campé Sancerre, ne se dressait, sur l’autre rive, de plus de 200 mètres au-dessus de la vallée, et n’avertissait pas qu’il ne faut pas songer encore à la molle Touraine.

C’est en effet vraiment une région montagneuse en petit, la dernière qui, vers l’Ouest, témoigne des accidents qui ont régénéré le relief. L’effort orogénique qui s’est fait sentir dans les dislocations tertiaires du Morvan et du Nivernais a surélevé le Sancerrois le long de grandes failles qui en ont porté le point culminant jusqu’à 474 mètres, altitude qu’on ne retrouverait plus, si loin qu’on allât vers l’Ouest. Surveillant les passages de la Loire, Sancerre occupait un site unique.

Au delà commencent les ondulations d’un sol argileux où, vers Neuvy, pays des briques et des tuiles, s’évase la vallée de la Loire. De part et d’autre se déroulent, sans ordre, des croupes molles qui, avec leurs haies d’arbres s’entre-croisant en zigzags, prennent un aspect bocager. On se trouve en effet sur le prolongement de la zone argileuse qui, de l’Argonne à la Puisaye, s’intercale entre les calcaires jurassiques et la craie. Mais lorsque, s’avançant toujours vers le centre du bassin, on devrait s’attendre à rencontrer la craie blanche, on voit à sa place s’étaler l’argile à silex, son résidu. Des plateaux sans pente, au sol rocailleux et boisé, très solitaires, se déroulent de Châtillon-sur-Loire à Vierzon sur le Cher. Ce n’est pas encore la vraie Sologne ; le qualificatif de pierreuse, qu’on lui donne dans le pays, indique bien la différence du sol. C’en est pourtant la préface.


II. — SOLOGNE

LORSQUE les nappes grises des sables argileux prennent possession de la surface, que les étangs, ou les mares couvertes de joncs et d’herbes se multiplient, on est vraiment en Sologne.

Jadis on les voyait partout, entre Romorantin et La Motte-Beuvron, luire à sa surface. Beaucoup aujourd’hui ont fait place à des prairies où s’ébattent des troupeaux d’oies, canards et dindons. Mais le paysage déroule toujours ses ajoncs et bruyères, ses champs de sarrasin et ses mares, cernées de petits bois de pins et bouleaux. Il attriste par quelque chose de borné et de languissant. Les rivières, sans lit, se traînent comme un chapelet d’étangs. Il manque les recssources d’empierrement naturel qui, du moins, sur l’argile à silex, offrent des facilités à la circulation. On juge de ce qu’était l’existence humaine, dans ces maisons en argile et en bois, sans fenêtres, recouvertes de toits de roseaux, qui subsistent encore dans quelques parties écartées ;