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tions[1]. Mais sur le limon, au contraire, à défaut d’arbres et de prairies, règne l’opulence des moissons ; elles y étendent ce « tapis d’or blondissant et nourrissant » qui a rendu ce pays proverbial ; puis les grands troupeaux de moutons prennent possession de la jachère, et en hiver de grands vols de corbeaux s’abattent sur les champs.

C’est la nature du sol, avec le mode d’existence qui en dérive, qui définit ce pays. Par le relief il se distingue peu des régions voisines. Aucune partie de la France ne présente, à surface égale, une telle uniformité de niveau que celle qui s’étend au Sud de la Seine, d’Elbeuf à Montargis. Entre de rares vallées qui les divisent en compartiments distincts, les plaines succèdent aux plaines, les campagnes aux campagnes, sans que sur ces plates-formes unies l’altitude s’écarte guère de la cote moyenne de 150 mètres. Campagne de Neubourg, Plaine de Saint-André, Thimerais, Beauce, Gâtinais se font suite ainsi, formant en apparence une seule et vaste contrée ouverte entre le Perche, la Seine et la Loire.

Dans cet ensemble, toutefois, la Beauce a son individualité. Sans que le relief change notablement, l’aspect se modifie autour d’elle, parfois assez brusquement, parfois par degrés ; assez nettement toutefois pour que l’instinct populaire, seul auteur responsable de sa dénomination, discerne les cas où elle s’applique.


I DIFFÉRENCE AVEC LES PAYS VOISINS

Où les différences sont le plus graduelles et le plus atténuées, c’est vers le Nord-Ouest de la Beauce, dans la direction du Perche. En effet les nappes limoneuses s’étendent aussi dans cette direction, sur les plaines que découpent l’Eure et ses affluents, mais moins continues, moins étendues, interrompues déjà à l’ouest de Chartres dans le Thimerais, davantage vers Dreux et plus encore aux approches d’Évreux, par de larges plaques d’un sol tout différent. Des argiles rouges empâtant des poudingues de silex s’étalent à la surface des plateaux, ou garnissent les corniches des vallées. C’est qu’en effet, dans ces régions déjà situées hors des limites du calcaire de Beauce, c’est la craie qui forme le soubassement du sol, comme on peut le voir aux flancs secs et doucement évasés des vallées. L’argile à silex, qui paraît être une forme spéciale d’altération de la craie, engendre un sol à peu près stérile où ne peuvent venir que des bois. La forêt, inconnue en Beauce, apparaît alors en massifs de plus en plus étendus ; et avec elle les étangs, la nature et le nom de Gâtines[2]. Une sorte de transition s’établit ainsi entre les campagnes agricoles et le Perche. On s’en aperçoit, en dehors même des forêts, au foisonnement des arbres, aux haies vives qui se multiplient autour des borderies. Ce n’est pas encore le vrai Perche ; mais déjà des noms accré-


I. Carte topographique au 80 000e, n° 80, Feuille de Fontainebleau. a. Saint-Germain-en-Gâtines, au Nord de Chartres. ( i36)

  1. Carte topographique au 80 000e, n° 80, Feuille de Fontainebleau.
  2. Saint-Germain-en-Gâtines, au Nord de Chartres.