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se frayer passage cerne l'horizon parisien de ses lignes boisées et unies ; il pénètre même dans la ville par lambeaux détachés.


I. — LA BRIE

Ce plateau est la Brie. Sa surface est imperméable et humide. Aux temps anciens c’était une forêt. Dans la partie orientale, qui est la plus élevée, la fréquence de marnes et glaises, l’absence de revêtements limoneux entretiennent de nombreux étangs ; c’est un sol pauvre et froid qui conserve ses grandes forêts. Les vallées s’enfoncent profondément, et sur les corniches qui les bordent se tiennent en vedette Villes et villages, ceux-ci pauvrement bâtis. Le préfixe mont, si multiplié autour de Montmirail, convient à cet air de forteresse, justifié pour qui les voit du bas des vallées.

Mais en s’inclinant graduellement vers le centre du Bassin parisien, le plateau devient à la fois plus homogène et plus fertile. Le travertin de Brie avec ses meulières, et surtout l’épais limon qui le recouvre, prend définitivement possession du sol. C’est alors que se dessine la véritable Brie, sans épithète. On voit se former sa physionomie opulente et grave: dans la régularité des champs, de beaux arbres distribués par files ou par groupes ; et ces grands horizons au bout desquels il est bien rare que l’œil ne s'arrête encore à quelque lisière de bois estompé dans la brume.

Ce fut une conquête agricole, de grande conséquence pour le développement de la région tout entière, que la mise en valeur de la Brie. Il fallut qu’un aménagement présidât à l'écoulement des eaux, triomphât des obstacles opposés par l’horizontalité fréquente du niveau ; que par des cavités naturelles ou faites de main d’homme, par des rus artificiels on réussît à drainer et à égoutter le sol : opérations sans lesquelles la Brie serait restée ce qu’était encore il y a quarante ans le Gâtinais, une terre misérable où des manouvriers agricoles vivaient dispersés dans l’air lourd et malsain des étangs. Nous ne savons à quelles générations il faut faire honneur des premiers travaux d’assainissement, qu’encouragea évidemment la présence d’une couche épaisse de limon fertile. Ce fut, en tout cas, à une date très ancienne, puisque déjà un peuple gaulois, celui des Meldi, s’était constitué dans la partie occidentale du plateau.

La population s’y répartit à l’état disséminé, mais d’après un mode original. Ce qui représente ici l’unité constitutive de groupement, c’est la grande ferme carrée, bien plus fréquente que dans les plaines picardes où la rareté des eaux fait dominer le village. Durant des milliers d’hectares, au Sud et au Nord de Coulommiers, il n’y a pas d’autre forme d’établissement humain que ces fermes qui se répartissent à 7 ou 800 mètres de distance, au milieu des champs, rarement au bord des routes, chacune avec ses chemins d’exploitation. Un bouquet d’arbres ou un petit verger, des rangées de meules coniques les signalent. Les quatre murailles nues de l’enceinte n’avaient autrefois