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de la région tertiaire les étages inférieurs ont seuls résisté et constituent la surface. Dans le Sud, le couronnement supérieur est resté intact[1].

Il en résulte une notable différence d’aspect, dont la mince chaîne boisée qui se déroule au Nord de Villers-Cotterets, entre les plates-formes du Valois et du Soissonnais, dessinerait assez exactement la limite. Cette arête s’allonge dans le sens des courants qui ont balayé la surface ; mais, épargnée par eux, elle a conservé son couronnement de sables supérieurs et même de meulières de Beauce, c’est-à-dire les premiers vestiges de formations que l’on ne rencontre largement étalées que tout à fait au Sud de la région tertiaire.

Pourtant, à ne considérer que les plateaux, la physionomie ne changerait guère entre le Valois et le Soissonnais. Dans l’un et dans l’autre cas, la dureté de la roche a façonné la surface en vastes plates-formes. Sur le limon roux qui les recouvre, le blé et aujourd’hui la betterave trouvent un sol à souhait. Mais l’eau n’existe qu’à une grande profondeur ; et les villages, dont les noms s’accompagnent parfois d’épithètes significatives[2], ont-ils dû presque exclusivement choisir leur site au bord des vallées, sur les corniches entaillées dans l’épaisseur des plateaux. Ils s’y sont portés en nombre; on voit leurs maisons serrées en garnir les découpures. Mais les intervalles que laissent entre elles les vallées sont assez larges pour qu’on fasse des lieues sans en rencontrer un seul. De loin en loin quelque grand bâtiment carré signale une de ces fermes typiques, oh se centralise l’exploitation agricole de toutes les surfaces ou parcelles qui se trouvent sur le plateau. Ces campagnes ont une certaine majesté dans leur vide, quand les jeux de lumière passent sur leurs moissons à perte de vue. La jachère autrefois y jouait un grand rôle, et la pâture des moutons était la ressource naturelle dans l’intervalle des assolements. Ils produisent encore aujourd’hui l’effet de solitudes, quand on les compare aux deux foyers de population dont l’existence distincte, au Nord et au Sud de l’Ile-de-France, fut un fait de grande conséquence historique.


III VALLÉES DES VALOIS

La différence entre ces deux pays limitrophes, comme d’ailleurs entre tous ceux de la région tertiaire, consiste dans les vallées. Celles du Valois sont d’étroits couloirs, serrés entre les rampes du travertin lacustre ou du calcaire marin qui les encadrent jusqu’au bas. Perforées d’anciennes habitations de troglodytes, les roches tombent en escarpements, sur lesquels on voit, à Crépy, grimper les remparts d’une vieille ville. L’eau s’infiltre à travers leurs flancs fissurés : mais sur le fond plat de la vallée brille un ruisseau d’eau bleue, parfois une belle source, tête de la rivière, site naturel d’établissement

  1. Voir fig. 45, pL. 22.
  2. Berzy-le-Sec.