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damné à disparaître par l’effet des grandes dénudations. Ce qui a résisté n’a pas laissé d’être déchiqueté et morcelé. C’est ainsi que sur les bords, des parties détachées, véritables témoins, précèdent la masse. Celle-ci a été maintenue surtout par des formations de calcaire marin ou de travertin d’eau douce qui, très dures dans leur partie centrale, ont résisté à l’assaut des courants diluviens venant de l’Est. Ces calcaires, qu’on voit à l’état de massifs isolés dans le Laonnais, de larges plateaux dans le Soissonnais, le Valois et la Brie, ont des origines et des dates diverses. Mais par leur propriété commune de dureté ils ont servi de noyau à la région tertiaire. Ils en constituent l’ossature, en règlent la topographie. Ils sont la barrière dont les eaux ont affouillé le pied. De Montereau à Reims, c’est par un arc de cercle de hauteurs boisées, faisant alterner des cirques et des promontoires, qu’ils se dessinent; à Craonne,à Noyon, à Clermont, c’est par des coteaux isolés, mais de silhouette plus nette, plus fière que les molles croupes auxquelles ils succèdent.

C’est une histoire compliquée, sinon dans l’ordonnance générale, du moins dans le détail, que celle de cette dépression du Bassin parisien, dont le débrouillement depuis Cuvier a occupé des générations de géologues. On la voit tour à tour envahie par des débris argileux apportés du Massif central, occupée à plusieurs reprises par des sables et des calcaires marins en communication avec les mers de Belgique, couverte tantôt par des lagunes saumâtres, tantôt par des lacs d’eau douce. Quoique naturellement ces formations successives n’aient pas eu la même extension, elles ont souvent empiété les unes sur les autres, car les envahissements étaient faciles sur ces plages amphibies, par lesquelles se terminait un golfe de mers peu profondes. En fait, les formations les plus diverses se superposent en bien des régions, notamment aux environs de Paris. Bien que quelques-unes remontent aux premières époques de l’âge éocène, leur origine est encore relativement assez récente pour que l’usure des âges n’ait pas aboli, en les métamorphosant, les différences de texture et de composition qui les spécialisent. Elles ont ainsi conservé ce qu’on pourrait appeler leur fonction géographique. Comme autant de feuillets intacts, elles traduisent chacune des phases de cette évolution par des formes de relief et par des caractères de végétation.


II PARTIE SEPTENTRIONALE. SOISSONNAIS ET LAONNAIS

Les considérations géologiques nous conduisent d’elles-mêmes à établir dans la région tertiaire une distinction importante. Le Laonnais et le Soissonnais se différencient assez nettement du Valois et de l’Ile-de-France proprement dite. En effet, les couches géologiques se relèvent sensiblement au Nord-Est de Paris. Le relèvement est assez rapide pour que, de Paris à Laon par exemple, on voie successivement des roches de plus en plus anciennes affleurer à la surface. Aussi, tandis que, dans la partie septentrionale, l’érosion a enlevé les parties les plus récentes, celles-ci subsistent, d’abord par lambeaux, puis par nappes étendues dans la partie méridionale. Dans le Nord