Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE VI.

Donation entière de mes biens à ma sœur. — Nouvel accès d’avarice.


Je commençai donc alors à travailler joyeusement, c’est-à-dire, avec la sérénité d’un cœur apaisé, et en homme qui a trouvé enfin son but et son appui. J’étais bien décidé à part moi à ne plus sortir de Florence, aussi long-temps du moins que ma dame pourrait y demeurer. C’était le moment de réaliser un projet que déjà depuis long-temps j’avais ébauché dans ma tête, et dont l’exécution était devenue pour moi d’une nécessité absolue, le jour où j’avais si invariablement placé mon cœur sur un digne objet.

1778. J’avais toujours senti outre mesure le poids et l’ennui des chaînes de ma servitude native, et entre autres le privilège peu enviable qui fait exclusivement aux nobles feudataires un devoir de demander au roi la permission de quitter le royaume, même pour le temps le plus court, permission que le ministre n’accordait pas toujours de bonne grâce et sans difficulté, et qui d’ailleurs n’était jamais que limitée. J’avais eu quatre ou cinq fois l’occasion de la demander, et quoique je l’eusse toujours obtenue, je trouvais néanmoins si injuste cette nécessité de la solliciter, quand ni les cadets, ni les bourgeois d’aucune classe, dès qu’ils n’avaient aucun emploi,