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Resté seul de tous ses fils dans la maison de ma mère, je fus confié à la garde d’un bon prêtre nommé don Ivaldi, qui me donna les premiers élémens du calcul et de l’écriture et me conduisit jusqu’en quatrième, où j’expliquai passablement, au dire de mon maître, quelques vies de Corn. Nepos et les fables accoutumées de Phèdre. Mais ce bon prêtre était lui-même fort ignorant, à ce que j’entrevis dans la suite, et si, passé l’âge de neuf ans, on m’eût laissé entre ses mains, il est vraisemblable que je n’aurais plus rien appris. Mes bons parens étaient eux-mêmes d’une ignorance parfaite, et souvent je leur entendais répéter cette maxime en usage parmi nos gentilshommes d’alors, « qu’un seigneur n’avait pas besoin de devenir un docteur. » J’avais cependant reçu de la nature un certain penchant pour l’étude, surtout depuis que ma sœur avait quitté la maison. Cette solitude où je vivais avec mon maître m’inspirait à la fois de la mélancolie et du recueillement.





Chapitre III.

Premiers symptômes d’un caractère passionné



Mais ici je dois noter une autre particularité fort étrange, relative à ce développement de mes facultés aimantes. L’absence de ma sœur m’avait laissé