Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’obéissait sur un signe, et prévenait tous mes désirs.





CHAPITRE VII.

Revenu pour six mois dans ma patrie, je me livre à l’étude de la philosophie.


1769. Tel fut mon premier voyage ; il dura deux ans et quelques jours. Je restai six semaines à la campagne avec ma sœur, et lorsqu’elle revint à la ville, j’y retournai avec elle. Peu de personnes me reconnurent, ma taille, pendant ces deux années, s’étant singulièrement développée. Mon tempérament avait beaucoup gagné à cette vie inconstante, oisive et surtout dissipée. En passant à Genève, j’avais acheté une pleine malle de livres : dans le nombre étaient les œuvres de Rousseau, de Montesquieu, d’Helvétius et de quelques autres. À peine de retour dans ma patrie, et le cœur encore plein de mélancolie et d’amour, je sentis le besoin irrésistible d’appliquer fortement mon esprit à une étude quelconque ; mais à laquelle, je ne savais ; mon éducation si négligée d’abord, et couronnée ensuite par six ans de dissipation et d’oisiveté, m’avait rendu également inhabile à toute espèce d’étude. Incertain du parti que j’avais à prendre, et si je devais rester dans ma patrie ou voyager de