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Sommeil, ceux qui t’ont faict l’image du trespas,
Quand ils ont peint la mort, ils ne l’ont point cogneue,
Car vrayment son pourtraict ne luy ressemble pas.


SONNET.

Au moins ay-je songé que je vous ay baisée,
Et, bien que tout l’amour ne s’en soit pas allé,
Ce feu, qui dans mes sens a doucement coulé.
Rend en quelque façon ma flamme rappaisée.
 
Après ce doux effort, mon ame reposée
Peut rire du plaisir qu’elle vous a volé,
Et, de tant de refus à demy consolé.
Je trouve désormais ma guerison aisée

Mes sens desjà remis commencent à dormir ;
Le sommeil, qui deux nuicts m’avoit laissé gémir,
Enfin dedans mes yeux vous fait quitter la place.

Et, quoy qu’il soit si froid au jugement de tous,
Il a rompu pour moy son naturel de glace
Et s’est monstre plus chaud et plus humain que vous.


SONNET.

D’un sommeil plus tranquille à mes amours resvant
J’esveille avant le jour mes yeux et ma pensée,
Et, ceste longue nuict si durement passée,
Je me trouve estonné de quoy je suis vivant.

Demy désespéré, je jure en me levant
D’arracher cet objet à mon ame insensée,