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Remets pour l’amour d’elle encore ces appas
Qui s’en vont effacez dans ton visage sombre,
El qu’un si long chagrin ne te maltraicte pas
Pour contenter une ombre.

Il est vray qu’un tel mal est fascheux à guérir,
Et, de quelque vigueur que ton esprit puisse estre,
Il te faut souspirer lorsque tu vois périr
Celuy qui t’a faict naistre.

Encore ses vertus touchoient ton amitié
Au delà du devoir où la nature oblige.
Si bien que la raison approuve la pitié
Pour l’ennuy qui t’afflige.

Ses conseils sçavoient rendre un roy victorieux,
Son renom honoroit et la paix et la guerre,
Et je croy que l’envie est cause que les Cieux
L’ont osté de la terre.

Mais aussi, quel climat n’en a du desplaisir ?
L’Europe à son subject se plaint contre les Parques
Autant que si leurs lacs estoient venus saisir
Quelqu’un de ses monarques.

Je voy comme le Ciel, pour soulager ton dueil,
Veut que tout l’univers à tes souspirs responde,
Et, pour t’en exempter, ordonne à son cercueil
Les pleurs de tout le monde.

Toutesfois tous ces cris sont des soms superflus ;
Nos plaintes dans les airs sont vainement poussées :
Un homme ensevely ne considère plus
Nos yeux ni nos pensées.

Sçachant qu’il a rendu ce qu’on doit aux autels,
Tu dois estre asseuré de sa béatitude.
Ou ton esprit troublé croit que les Immortels
Sont pleins d’ingratitude.

Tes importuns regrets se rendront criminels ;
Ton père en son repos ne trouvera que peine,
Puisqu’il semble estre admis aux plaisirs éternels