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Croyez que vostre vie est proche de son terme.

Aussy, ceste princesse estant loing de vos yeux,
Le jour de tous vos maux est le plus odieux ;
La mort, de vos langueurs, est la moins inhumaine ;
Quelque part de la terre où vous faciez sejour,
Il ne vous reste plus que des objects de haine,
Après avoir perdu l’object de vostre amour.

De moy, si la rigueur d’un accident semblable
M’avoit osté le fruit d’un bien si desirable,
Je croirois que pour moy tout n’auroit que du mal ;
Mes pieds ne s’oseroient asseurer sur la terre,
Le jour m’offenceroit, l’air me seroit fatal,
Et la plus douce paix me seroit une guerre.

Aigrissez-vous tousjours d’un chagrin plus recent ;
Que vostre ame, en flattant l’ennuy qu’elle ressent,
Pour si chere compagne incessamment souspire ;
Jamais son entretien ne vous sera rendu,
Et le Ciel, reparant vos pertes d’un empire,
Vous donneroit bien moins que vous n’avez perdu.



À ELLE-MESME.


Puis qu’en cet accident le sort nous desoblige,
Je croy que tout le monde avecque vous s’afflige,
Et ce commun mal-heur qui trouble l’univers
Reprocheroit un crime aux loix de la nature,
Si non que ceste mort a faict naistre vos vers[1],

  1. Outre les Vers sur la mort de madame la duchesse de Nevers, il y a des Stances de demoiselle Anne de Rohan, sur la mort du roy (Henry IV), Rouen, Theod. Reinsart, 1610, in-8, pièce. — Elles ont été réimprimées in-4.