Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À MADAMOISELLE DE ROHAN

Sur la mort de madame la duchesse de Nevers.[1]


Je vous donne ces vers pour nourrir vos douleurs
Puisque ceste princesse est digne de vos pleurs
Et ne veux point reprendre un deuil si legitime
Pour elle vos regrets prennent un juste cours,
Et de les arrester je croirois faire un crime
Aussi bien que la mort en arrestant ses jours.

Je sçay bien que vostre ame, assez robuste et saine,
Avecques son discours a combattu sa peine,
Et qu’elle a vainement cherché sa guerison.
Y tascher après vous, on ne le peut sans blasme,
Car je ne pense pas qu’on trouve en la raison
Ce que vous ne pouvez trouver dedans vostre ame.

Les plus cuisans mal-heurs trouvent allegement,
Après que le devoir a rendu sagement
Tout ce que l’amitié demande à la nature ;
Mais lors que mon esprit songe à vous consoler
Contre les sentimens d’une perte si dure
Plus je suis preparé, moins j’ay dequoy parler.

Tandis que la memoire à vos sens renouvelle
L’esclat de la vertu qui reluysoit en elle,
Vous nourrissez en vain quelque espoir de guerir ;
Et quand le souvenir d’une amitié si ferme
Pour guerir vostre ennuy se laissera mourir,

  1. Catherine de Lorraine, duchesse de Nevers. — On assure que la duchesse de Nevers, ennemie déclarée de la maréchale d’Ancre, versa des larmes en la voyant marcher au supplice. Ces larmes sont tout un éloge.
    Il y a des Vers de mademoiselle de Rohan sur la mort de madame la duchesse de Nevers. 1618, in-4, pièce.