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A fait des efforts inutiles,
Car mes sentimens indociles
En deviennent plus amoureux.

     Ce qui peut finir ma souffrance
Et recommencer mon plaisir
S’esloigne de mon esperance
Aussi bien que de mon desir ;
Les destins, et le ciel luy-mesme,
Qui recognoissent comme j’ayme
Au seul object de mes douleurs,
Ne me presentent point leur ayde,
Car ils sçavent que tout remede
Est plus foible que mes langueurs.

     Je cognois bien que l’œil d’un ange
Que le ciel ne gouverne pas,
Et qui tient à peu de louange
Qu’Amour brusle de ses appas,
S’il veut un jour, à ma priere,
Jetter l’esclat de sa lumiere
A l’advantage de mes vœux,
Fera naistre au sort qui m’irrite
Plus de bien que je ne merite,
Et plus d’honneur que je ne veux.

     Tandis que ma flame, ou ma rage,
Attendoit après sa beauté,
Un faux et criminel ombrage
Embarrasse sa volonté ;
Ce feint honneur, ceste fumée
Vient estonner sa renommée
De l’impudence des mortels.
Cloris, perdez ceste foiblesse :
Si vous ne vivez en deesse,
Dequoy vous servent mes autels ?

     Le plus audacieux courage
Devant vous ne fait que trembler ;