Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que la feuille soit revenue.

Le heron, quand il veut pescher,
Trouvant l’eau toute de rocher,
Se paist du vent et de sa plume ;
Il se cache dans les roseaux,
Et contemple au bord des ruisseaux.
La bize, contre sa coustume,
Souffle la neige sur les eaux,
Où bouilloit autresfois l’escume.

Les poissons dorment asseurez,
D’un mur de glace remparez,
Francs de tous les dangers du monde,
Fors que de toy tant seulement,
Qui restreins leur moitte element,
Jusqu’à la goutte plus profonde
Et les laisse sans mouvement
Enchassez en l’argent de l’onde.

Tous les vents brisent leurs liens,
Et dans les creux æoliens
Rien n’est resté que le Zephire,
Qui tient les œillets et les lys
Dans ses poulmons ensevelis,
Et triste en la prison souspire
Pour les membres de sa Philis,
Que la tempeste luy deschire.

Aujourd’huy mille mattelots,
Où ta fureur combat les flots,
Deffaillis d’art et de courage,
En l’aventure de tes eaux
Ne rencontrent que des tombeaux,
Car tous les astres de l’orage,
Irritez contre leurs vaisseaux,
Les abandonnent au naufrage.

Mais tous ces maux que je descris
Ne me font point jetter des cris,