Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/288

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et ne voudrait jamais de repos ni de nuit :

Ses rayons n’aiment point à chasser le nuage

Que pour n’être empêchés de vous voir au visage ;

C’est pour l’amour de vous qu’il bâtit ses maisons,

Qu’il rompit le chaos, qu’il changea les saisons,

Qu’il nous fit discerner le ciel d’avecque l’onde,

Et mit le grand éclat de la lumière au monde.

Pour vous son feu s’occupe à ce métal pesant,

Partout dedans le Louvre à vos yeux reluisant ;

Pour vous sa fantaisie, en nos vergers errante,

Forme le gris de lin, l’orangé, l’amarante,

Et sachant que vos yeux se plaisent aux couleurs,

Il vous peint son amour dans la face des fleurs.

Que cet astre fut gai quand, aux rives de Loire,

Il vit les monuments gravés pour votre gloire !

Sentant que sont devoir touchait votre grandeur,

Il n’éclaira jamais avecque tant d’ardeur,

Et reçut comme encens l’honorable fumée

Que le canon donnait à votre renommée.

Le fleuve de son lit alors fit un cercueil,

Qui de vos ennemis fut le sanglant accueil,

Et redoubla ses pas pour conter à Neptune

Ce que votre vertu fit faire à la Fortune.

Neptune, réjoui de vos succès heureux,

Rendit de votre nom tous ses flots amoureux ;

Et, d’un char empenné fendant ses routes calmes,

Vint planter sur ses bords une forêt de palmes.

Et le Ciel, glorieux d’un si juste bonheur,

Avec affection fit fête à votre honneur.

Mars n’a point fait encore une si belle proie,

Et vante ce jour-là plus que la nuit de Troie,

Voyant votre jeunesse en nos sanglants combats,

Dans le sein du péril rechercher ses ébats.

Que nous eûmes de peur qu’un excès de courage

Ne vous mît au hasard d’un général naufrage !